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Des provenances du bout du monde

De L'Asie au Moyen Orient, de l'Afrique à l'Amérique du Sud, la Planète recèle mille et un joyaux en matière de minéraux et gemmes d'exception. Mineral Art s'attache à explorer les territoires les plus reculés grâce au réseau de confiance qu'a instauré Brice Gobin avec ses partenaires locaux dans de nombreux pays. Chaque pierre qu'il ramène a succité d'étonnantes et riches rencontres ; chacune raconte une histoire...

Aigue-marine, Fluorite et Mica: un prodigieux spécimen caché au Nord du Pakistan…

Voyager de Peshawar au Nord du pays est une sacrée belle expérience… Je suis pourtant rodé au fait de parcourir le monde en avion pour aller chercher des pierres d’exception, mais cette fois-là, pour mon premier vol vers Skardu, j’étais, disons… un peu inquiet. En effet, à bord d’un Boeing 733 on est supposé voler bien au-dessus de n’importe quoi sur la planète non ? Mais là, on vole tout près des sommets ! Et je peux vous le dire, c’est une sensation vraiment désagréable…

Alors que l’on commence à amorcer la descente, on longe la montagne de Nanga Parat (8 125 mètres de haut). Et tandis que l’avion descend en zigzaguant entre montagnes et plaines, il effectue une courbe serrée au fond d’un étroit canyon, seule voie d’accès à l’aéroport de Skardu. Encore tremblant, on saute de l’avion et on ouvre les yeux…. C’est  tout simplement à couper le souffle ! A peine le temps d’admirer le paysage, qu’un agent vous interpelle : « Passeports s’il vous plait !! »

Après le contrôle policier à l’aéroport, me voilà libre. Je contemple ces gigantesques montagnes autour de moi et me sens soudain si fragile… A ce moment-là, je me dis que même si je reviens sans beau caillou dans les poches, ce voyage aura valu le coup, de par cette émotion ressentie au milieu de ce décor naturel grandiose. Et en effet, ce n’est pas cette fois-ci que Skardu allait m’offrir des spécimen de valeur… ; dommage mais je savais que je reviendrai bientôt !

Pour mon séjour suivant dans la région, j’avais aussi prévu de me rendre à Gilgit et dans la célèbre vallée d’Hunza. Une merveilleuse pierre d’aigue-marine et de fluorite avait été trouvée la semaine précédente à Nagar, dans cette fameuse vallée, et m’attendait déjà… Nagar me revoilà ! Chumar Bakhoor, la mine de Nagar, est mondialement connue pour ses magnifiques cristaux d’aigue-marine associée à du muscovite. Ce n’est que très rarement que s’ajoute de la fluorine sur la même matrice. Alors,  quand c’est le cas et que la qualité du spécimen est au rendez-vous, la pierre devient particulièrement désirable pour tout collectionneur. Sur la route pour le village de Nagar, je laisse vagabonder mes pensées en imaginant la pièce que je suis censée découvrir. D’après les informations que nous en avions, mes deux amis  pakistanais Aziz et Mirwali étaient certains que ce voyage allait être profitable…
Au Pakistan, comme dans la majorité des pays musulmans, il existe une tradition en prélude à toute tractation commerciale, consistant en une tasse de thé offerte pour entamer les discussions. Plus l’on avale du thé vert plus on aborde de sujets. Mais cela fait partie du jeu et c’est ce qui contribue au fait que j’aime tant remonter au lieu d’origine de la pierre : pouvoir partager un moment avec des personnes de cultures et civilisation totalement différentes de la mienne.

Après un très long moment, le petit paquet est ouvert. C’est encore mieux que ce que j’avais imaginé… j’en reste sans voix et suis très surpris de voir ça sur cette pierre : la matrice de la fluorine est l’aigue-marine elle-même ! Et elle est loin d’être petite ; elle est grande et superbe. Assurément il s’agit là d’une pièce d’exception. Je la prends entre mes mains et l’inspecte sous toutes les coutures afin d’en rechercher les éventuels défauts, un accroc, une arrête abîmée, une impureté, que sais-je ?! Quelque chose qui stopperait net mon excitation… Mais il n’y a rien du tout, pas même une infime malformation, rien qui jette une ombre sur ce minéral : il est vierge. Comment est-ce possible ? Ces gars grimpent jusqu’à 5000m d’altitude pour récolter ces minéraux qu’ils doivent ensuite redescendre jusqu’au village… et malgré cela la pierre n’a même pas une égratignure ? Je peine à le croire. Mon cœur s’accélère alors que me pose la question fatidique : combien ??

A l’issue d’une longue et orageuse discussion avec le propriétaire du paquet, nous nous serrons la main. J’attrape la pierre et l’enveloppe avec la plus grande attention, et réalise fièrement qu’elle est vraiment mienne désormais.

Après une courte nuit et 22 heures de route cahoteuse, me voici de retour à l’hôtel à  Peshawar où je me détends en sirotant un thé vert plus que bienvenu. Voilà, c’est ça, le sens de mes voyages, ce qui me motive à remonter jusqu’à la mine. Ce sentiment est vraiment singulier et addictif. Il donne encore plus de valeur à la pierre, pas en termes d’argent mais en terme d’âme. Elle raconte une histoire, que je peux ensuite raconter à mes proches et à mes clients.

Et puis, toute la frustration que l’on peut ressentir voyage après voyage quand on revient bredouille, sans le spécimen ultime que l’on pensait trouver, est balayée à la seconde où l’on voit une telle pierre… Malheureusement, cela n’arrive pas à chaque fois ! Mais… la quête serait-elle aussi exaltante sinon ?

Tourmaline, Quartz & Albite: une pierre unique ramenée de Peshawar

Un tel specimen Tourmaline est typiquement une pierre que l’on est extrêmement enthousiaste de détenir et profondément triste de vendre, sachant que l’on n’aura guère plus la chance d’en avoir une entre les mains. Il ne faut jamais dire jamais certes, mais soyons conscients de la difficulté à dénicher un spécimen de cette qualité.  C’est à Peshawar que je l’ai trouvée, chez un marchand de gemmes du marché de Namak mandi. J’avais entendu parler d’une pierre probablement extraordinaire mais qui ne circulait qu’entre les spécialistes locaux.

Voici comment j’ai pu obtenir cette Tourmaline ….
L’un de mes fournisseurs d’Afghanistan m’avait appelé un mois auparavant pour me dire que la pierre allait être mise sur le marché et qu’elle m’était proposée. Depuis la découverte de cette Tourmaline j’étais en discussion avec ses détenteurs car le prix demandé s’avérait vraiment trop élevé et que personne ne parvenait à se mettre d’accord. Heureusement pour moi, le principal propriétaire de ce superbe spécimen était l’un de mes proches fournisseurs à Peshawar. Si les personnes clé dans ce business vous font confiance, il y a de fortes chances pour que vous receviez un de ces jours un coup de fil lorsque des minéraux rares sont trouvés. C’est pourquoi il est si essentiel de faire bonne impression dès la première fois en arrivant sur une mine à la recherche de gemmes ou de minéraux.

J’avais déjà eu en mains ladite pierre quelques semaines plus tôt et je savais que sa grande qualité convenait à mes clients exigeants. Je décidai de démarrer la discussion sur le prix par téléphone ce jour-là, afin de ne pas perdre du temps à venir sur place pour rien. Mais mon ami interlocuteur réussit à me convaincre de faire le voyage jusqu’au Pakistan, m’asseoir à ses côtés tout en partageant surement plein de verres de thé et revoir de près le spécimen pour discuter.  Alors je me suis dit « bon, de toutes façons je trouverai certainement d’autres opportunités sur place lors de ce voyage, je n’irai pas pour rien »… Il me fallut finalement trois jours là-bas pour dégoter cette tourmaline, avec deux heures de négociation quotidienne acharnée avec mon ami et les autres personnes impliquées dans cette affaire (la plupart des des grandes gemmes et échantillons minéralogiques de grande valeur appartiennent à plusieurs personnes, et ce afin de réduire les risques financiers en cas de vente à prix inférieur à la valeur estimée).

 Enfin bref, si vous vous pouvez voir cette photo sur cette page, c’est bien qu’au bout du compte je suis parvenu à mes fins ! Mais la tâche fut rude…J’étais bien sûr très heureux et fier de cette conclusion, d’autant plus qu’il s’agit d’une des meilleures Tourmalines bicolores de Paprock jamais sorties de L’Hindou Kouch en Afghanistan. L’équilibre de la pierre est parfait, la Tourmaline offre un joli rose combiné à un vert menthe intense, sur une matrice en albite d’un blanc pur, associée à une pointe de quartz fumé .

Oui je fis une affaire ce jour-là, et peu après cette pierre fit aussi un heureux parmi mes amis, à la foire internationale de Tucson…

Une Morganite de première classe qui a voyagé autour du monde

La Morganite est une variante rose du Beryl, baptisée ainsi en 1911 par G.F. Kunz, “d’après un riche banquier collectionneur de minéraux, John Pierpont. Un Beryl pur est incolore ; on l’appelle Goshenite. Cependant, il arrive qu’il renferme certains éléments étrangers comme du fer, du chrome ou du  vanadium. Et si du manganèse est intercalé dans le Beryl, la pierre assez ordinaire et incolore devient un magnifique spécimen rose, alors nommé Morganite. (Le fer quant à lui, peut lui donner une couleur bleue, transformant la pierre en Aigue-marine, tandis que le chrome et le vanadium lui apportent un vert profond source de l’appellation Emeraude.) Pour moi la forme est bien entendu très importante mais je considère que l’attribut clé pour une Morganite d’exception c’est sa couleur. J’attends qu’elle soit d’un vrai rose, non pas un rose orangé !

J’ai donc récupéré cette Morganite dans une collection il y a quelques années. elle provient de Corrego du Urucum, au Brésil. Cela faisait un bon moment que je suivais de près cette collection qu’il n’était pas facile d’approcher. Parfois je trouve vraiment plus aisé d’aller directement chercher les pierres dans les mines, dans des conditions laborieuses, en partageant le soir en toute « simplicité » une boite de sardines à l’huile avec les mineurs locaux.

Mon seul soulagement est que les collectionneurs qui détiennent un tel trésor et rechignent à le céder sont, au moins, conscients de ce qu’ils ont entre les mains, des raisons de sa rareté et de sa valeur. On devrait toujours réaliser pleinement à quel point les chances de tomber sur quelque chose de cette qualité première sont vraiment minimes. Dans la plupart des cas, une pierre précieuse exceptionnelle ou un magnifique spécimen minéralogique provient d’un endroit isolé, loin de toute ville, de toute route et même de tout moyen d’accès et de transport. On peut aisément imaginer le trajet long et laborieux que la pierre a effectué avant d’arriver dans une collection. Ceci est d’autant plus vrai en Afrique. Un mineur africain doit régler mille problèmes, avant même d’avoir creusé le moindre trou dans le sol. En premier lieu, trouver de l’argent, afin d’en laisser à sa famille le temps de quitter son village pour une expédition de plusieurs semaines. Une fois sur le site de la mine, il doit aller à la rencontre des habitants du village le plus proche pour se voir proposer le gite et le couvert. C’est avec le chef du village qu’il négocie cela, tout comme l’autorisation de travailler dans la mine… SI les tractations se passent bien et qu’une amitié s’instaure, il peut commencer à explorer la mine le jour suivant. Malheureusement, la plupart du temps militaires du coin ont déjà eu vent de son arrivée et de ses intentions… les voici vite sur place… et là, notre homme doit de nouveau sortir quelques billets, mais chacun va vite demander sa part et c’est le début des problèmes !
Il y a rarement de route près des mines ; un  gemme, quasiment toujours déterré à la main avant d’être sorti de la mine, est emballé dans une feuille de bananier, attaché à l’arrière d’un vélo qui va parcourir un chemin chaotique en mauvais état sur quelque 50 kilomètres. Puis il est transporté en camion aux côtés de 50 passagers, de poules, de cochons, de sacs de charbon, de maïs ou de racines de manioc, et plein d’autres trucs entassés par-dessus. A chaque contrôle militaire sur le trajet, la pierre est déballée puis remballée, sans oublier une petite contribution financière glissée au passage… Si le mineur a de la chance, que la pierre est toujours en un seul morceau lorsqu’il arrive en ville, quelqu’un peut avoir un vrai coup de foudre et être susceptible de l’acheter. Voilà à quoi ressemble l’épopée de mise au jour de la pierre.

 “Si tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens…” (proverbe africain)…
A garder en mémoire précieusement…

Donc… notre Morganite, après un parcours similaire, s’est retrouvée dans la vitrine d’un collectionneur bien avisé. Mais lorsque je fus enfin convié par ce dernier à voir sa collection, je ne m’attendais pas à voir une pièce aussi incroyable : une Morganite qui surpasse tout ! Et par bien des aspects… Il s’agit d’un Crystal complet et d’une forme parfaite, doté d'un éclat exceptionnel, avec des parties gemmes de grande qualité à l’intérieur. Ce Crystal pur en parfait état est encore aujourd’hui l’un des plus beaux exemples de Morganite au monde. Après être passé entre mes mains, il appartient désormais à l’un de mes amis, collectionneur lui aussi.